27 jours: des pleurotes

(Zut, j’avais publié hier soir mon bilan de juin et il est complètement disparu de WordPress. Heureusement j’avais un article prêt à publier, celui-ci).

L’automne passé j’ai décrit sur Chasseurs de Rabais le début de mes expériences en culture de pleurotes à l’intérieur. Il est maintenant temps de vous faire un bilan!

En gros, il y a trois façons de cultiver des pleurotes à l’intérieur:

1) avec des kits tout prêts. C’est bien pour s’initier, mais c’est cher et on ne fait presque rien sauf vaporiser. Je conseille quand même de l’essayer une fois pour se familiariser. Aucun équipement n’est nécessaire sauf idéalement une « tente » (quelque chose de transparent, fermé à 90%, pour garder l’humidité – ça peut-être un gros sac de plastique transparent percé de petits trous).

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Jardinière Shaman que j’avais acheté chez IGA

2) en achetant du mycélium (ça revient quand même cher) et en inoculant le substrat de son choix (j’ai eu un meilleur succès en utilisant des granules pour poêle: c’est facile à trouver, bon marché, facile à manipuler et pré-pasteurisé ).

On met le mélange dans des sacs ou des chaudières de 5 gallons, percés de trous. J’utilise les deux, mais je préfère les buckets: c’est renouvelable, et on obtient beaucoup plus de de champignons pour la quantité de travail fourni. Un sac de granules pour poêle à granules de 5$ me permet de préparer 4  ou 5 chaudières (après ajout d’eau bouillante).

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Mon installation des une mini-serre au sous-sol. Ces pleurotes ont manqué un peu d’air frais, ce qu’on peut constater par la forme allongé qu’ils ont. J’ai amélioré ma technique depuis cette photo et j’utilise désormais un ventilateur combiné à un humidificateur

Pour la fructification on utilise idéalement une mini-serre, qu’on trouve pour quelques dizaines de $ chez Canadian Tire entre autres. Les champignons pleurotes sont assez tolérants et faciles à cultiver, mais ils ont deux besoins difficiles à combler en même temps dans nos maisons l’hiver: un taux élevé d’humidité (idéalement entre 80-90%, mais je vise >70% et mes récoltes sont bonnes), et il faut aérer souvent (très important) car sinon les champignons s’étirent et forment davantage de pieds coriaces que de chapeaux tendres. J’ai éventuellement découvert la juste balance en perçant des trous dans la partie supérieure de la tente. Dans la partie inférieure j’utilise un petit ventilateur combiné à un humidificateur. L’humidificateur est branché à une minuterie programmable et il fonctionne environ 20 minutes par heure.

Cet hiver, j’ai alterné quatre chaudières en production. Chaque préparation (une chaudière) produit de 1.5 à 2 kg de champignons. Le cycle est assez rapide: de l’inoculation à l’apparition des bébés champignons, il s’écoule environ 14 jours et la 1ère récolte débute 3-5 jours après. Quand une chaudière a fini de produire, je l’envoie dehors (c’était l’hiver) et démarre une autre batch dans une autre chaudière (j’ai environ 25 chaudière à ma disposition, récupérées auprès d’un restaurant). Avec ces quatre chaudières je récolte environ 500g par semaine (c’est l’équivalent d’environ deux chopines de champignons de Paris par semaine) et je prépare une batch environ aux deux semaines pour maintenir ce rythme.

3) en cultivant son propre mycélium (à partir d’une souche qu’on achète une fois – ensuite on peut perpétuer ses souches très longtemps, un peu comme le yogourt. En achetant chaque année (car il faut rajeunir ses souches, sinon elles vieillissent) de pleurotes bleus, il est possible de les multiplier jusqu’à la fin de la saison (dans mon cas, j’ai arrêté cette année en Avril, moment où j’ai eu besoin de la mini-serre pour débuter les semis du potager d’été!).

Comme équipement, il faut un autoclave (canneur) de type presto avec capacité d’au moins 20 litres, des pots masons et des graines pour oiseaux sauvages. Je me suis fabriqué une boîte de transfert (c’est un bac de rangement de plastique comme on trouve chez WalMart, transparent, dans lequel j’ai fait deux trous pour passer mes mains, ce qui permet de transférer les souches dans les pots mason dans un environnement presque stérile une fois qu’on a vaporisé d’abord du Lysol à l’intérieur et dans la pièce).

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Une boite à gants de laboratoire pour pauvres. Je l’ai même utilisée comme environnement de culture de champignons pour faire des essais, comme on le voit ici.

Les graines d’oiseau attirent levures, moisissures et bactéries. Rien de dangereux, mais ça empêche le mycélium de pleurotes de coloniser le substrat. La colonisation prend environ 10-14 jours, après quoi on peut faire l’étape 2.

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Un pot mason inoculé après environ deux jours: le mycélium a commencé son travail de colonisation

Bien que ça puisse sembler compliqué, c’est un loisir que je trouve passionnant. D’une part, contrairement au potager où tout se déroule avec une lenteur à rendre impatient le dalaï lama, du côté des champignons, tout se passe rapidement. Après tout, dès qu’on a du mycélium en quantité suffisante, après trois semaines on a récolté souvent son premier kilogramme de champignons! Après une récolte, il y aura une pause (environ une semaine entre chaque récolte), et ensuite, une deuxième récolte, puis une troisième (plus petite), parfois une quatrième et cinquième (encore plus petites).

Les résultats

Quand je parle de récoltes, j’aime chiffrer, alors vous n’y échapperez pas 🙂

Les premiers mois, j’ai eu plusieurs échecs. Des pots mason contaminés par des bactéries ou du vert, du mycélium qui arrête soudainement sa progression, etc. Et, de plus en plus, en maîtrisant les techniques de pasteurisation et de stérilisation partielle, mon taux de succès a augmenté. Entre janvier et avril, je n’ai à peu près eu aucune contamination et de très belles récoltes.

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Cette motte de pleurotes devait peser un demi kilogramme

Et j’ai fait un constat important: en achetant des pleurotes à l’épicerie, on se fait solidement avoir 🙂 C’est vraiment un produit de luxe. Parce qu’au prix au kilogramme qu’il est vendu (environ 35$ le kilo), j’ai récolté pour plus de 500$ de valeur de pleurotes entre janvier et juin et ce, même si j’ai cessé en avril la production de nouvelles chaudières et que j’ai atteint ma vitesse de croisière seulement vers la mi-février. À titre de comparaison, la valeur de ma récolte du potager 2016 a été d’environ 220$ en prenant le prix du biologique!

J’ai tellement récolté de pleurotes, on ne savait plus comment les manger. On a fait du potage qu’on a congelé. C’est possiblement le potage valant le plus « cher » que j’ai jamais consommé. Dans un seul bol, on peut avoir pour 10$ de pleurotes 🙂

Sans exagérer, je pourrais dire qu’en deux heures de travail par semaine, je pourrais en cultivant à longueur d’année récolter pour plus 3000$ de pleurotes (en préparant une chaudière par semaine). En mettant une heure de plus je pourrais doubler la production. Et les coûts de production? Pas très élevés. J’ai passé trois sacs de graines d’oiseau à 8$ chacun (24$), 3 sacs de granules (18$), une bouteille d’alcool à friction (4$), du Lysol en vaporisateur (10$) et des lingettes anti-bactériennes (3$). J’ai dû acheter de l’équipement comme un presto (175$), mais ce dernier sera amorti sur plusieurs années et servira aussi à faire du cannage cet automne. En coûts récurrents, donc, environ 50$, soit 10% de la valeur de la récolte. Moins que cela en réalité, car il me reste de l’alcool, du Lysol, des lingettes, un fond de graines d’oiseau et les trois-quart d’un sac de granules.

Cet hiver, dès que je voyais les premiers signes d’un début de contamination dans les chaudières, je l’envoyais dehors. Ce printemps, ces chaudières se sont remises à produire. J’ai récolté mes derniers champignons la semaine dernière.

Du pleuricompostage.

J’envoie ensuite le contenu des chaudières dans l’un de mes bacs à compost. Le mycélium a repris vie et a colonisé le compost et s’est mis à produire. Je n’ai pas osé récolter ceux-ci de crainte qu’ils soient contaminé à cause de la présence de nourriture. Mais j’ai lu que le mycélium était excellent au compost: d’une part il aide à décomposer les résidus, notamment les branches et les feuilles, il fournit également de la nourriture aux insectes décomposeurs, mais également, le bois déjà en bonne partie décomposé provenant des granules ajoute un apport important au compost, qui souvent manque de « brun » et contient trop de « vert ».

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Ces pleurotes, je laisse les insectes s’en régaler!

7 réflexions sur « 27 jours: des pleurotes »

  1. Intéressant ! J’avais tenté une fois de faire pousser des champignons à l’aide de  »kit » vendu chez Avril. J’ai tellement été malade par la suite que ça m’a enlevé tout goût de continuer, même si j’adore les champignons. Peut-être un jour je m’y remettrais :).

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    1. Ah très étrange! Vous les aviez fait cuire? Normalement les contaminants sont des levures, des bactéries inoffensives ou les moisissures bleues qu’on trouve sur le pain, généralement aussi inoffensives, mais peut-être avez-vous été victime d’un contaminant plus rare. À la cuisson normalement tout est 100% sûr cependant!

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      1. Ou juste simplement que j’ai contaminé sans le savoir avec d’autres chose. Malheureusement, le souvenir d’avoir été malade est trop vif pour que j’ai envie d’en tenter l’expérience. Mais j’ai aussi un estomac weird qui peut se révolter facilement, même avec des choses que je mangeais/buvais toujours! Mais c’est intéressant faire pousser ses propres champignons, surtout pour le prix !

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  2. MrJack, trop cool!
    J’adore ce genre de hobby.
    De mon côté, je vais peut-être me lancer bientôt dans la préparation de Kombucha maison… Je ne bois plus vraiment d’alcool depuis quelques années alors mon matériel traîne inutilement… mais je dois trouver du thé organique et surtout sans pesticides (j’imagine le mieux serait d’en faire pousser moi-même).
    C’est fou le markup sur la bouffe. On le réalise quand on s’y met. J’ai fait du vin délicieux à aussi peu que 1,50$ la bouteille. Il rivalisait drôlement avec celui à 15$ la bouteille vendu à la SAQ. Quant aux légumes… combien de fois j’ai récolté tellement de tomates que j’ai du en composter??? J’avais 20 plants à une époque. J’ai épuisé le calcium de mon sol lol

    Arrives-tu à gérer le taux d’humidité de ton sous-sol avec ça? Ça serait dommage d’attirer d’autres types de champignons à la maison… 😉

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    1. Le markup de la bouffe est élevé, mais en même temps les rendements de notre temps par rapport à la valeur produite sont difficiles à rendre intéressants, en tout cas au potager, c’est quand même pas mal d’efforts pour relativement peu. Vaut mieux aimer ça 🙂 Pour ce qui est de l’humidité, oui, j’ai bien surveillé ça.. l’humidificateur est dans la tente et bien qu’il y ait de l’air qui sorte pas les trous d’aération, une bonne partie est absorbé en fait par les champignons eux-mêmes.. et garder l’humidité à 80-90% dans une petite tente de 2’x3′ ne demande pas bcp d’eau. L’hiver donc, je ne crois pas que ce soit un problème, tant l’air est sec. L’été par contre je survellerais la chose de plus près. Mais j’ai décidé d’alterner entre les champignons l’hiver et le potager l’été pour le moment donc ce n’est pas encore un problème.

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  3. Bonjour serait-il possible de connaître le système de culture sur granulés de bois pour poêle, en détail, car j’y avais pensé, mais votre savoir faire, me serais le bienvenu.
    Patrice du sud de la France.
    Merci d’avance

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  4. Bonjour, serait-il possible de savoir combien de trous (beaucoup ou pas) que vous avez fait dans la mini serre dans la partie supérieur ainsi que la grosseur? Avoir une photo est-il possible?
    Merci!!!

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